Pour une nouvelle culture industrielle

Depuis des décennies, l’absence de politique industrielle à long terme a fragilisé notre industrie. L’imbrication de plus en plus forte avec les services et le transfert d’emplois industriels vers ce secteur ne constituent pas une explication suffisante. Dans la réalité, notre socle productif sur le territoire national s’est affaibli à un point tel, que le frémissement économique actuel conduit à déséquilibrer encore plus notre balance commerciale, par l’importation de biens que nous ne sommes plus en capacité de produire.

Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins. Je pense qu’il n’y aura pas de relance économique, de création d’emplois stables, pérennes et de qualité sans un renforcement de nos capacités productives sur le territoire national.

Les leçons de passé doivent être tirées. On ne fera pas du neuf avec les mêmes recettes. Le coût du travail est loin d’être une explication satisfaisante.

Au contraire, cette obsession a conduit à multiplier des emplois peu qualifiés et à amplifier un défaut préexistant d’investissement dans la recherche, la formation, les qualifications.

La financiarisation de l’économie mondiale, avec des actionnaires, qui demandent des rentabilités élevées sur le court terme, a contribué à fragiliser l’industrie, alors que nos entreprises industrielles se caractérisent par un capital instable. Durant la même période de désindustrialisation, les dividendes versés aux actionnaires sont passés de 5% de la valeur ajoutée dans l’industrie à 25%.

Un mauvais positionnement dans les gammes, une difficulté à recruter, un système de formation initiale et continue qui demande à être examiné, une politique de recherche et d’innovation trop faible, un tissu industriel pas assez coopératif, l’extraversion des grands groupes français, la faiblesse des politiques publiques et une politique européenne qui n’a jamais vraiment pris en compte les enjeux du développement industriel sont des facteurs d’explication.

Avoir une politique industrielle nécessite une vision systémique qui permette d’articuler, territoires, niveau national et européen et envisager des axes forts d’action en termes de revalorisation du travail, de développement de la recherche et de l’innovation, de financements, de transformations des outils industriels afin de bénéficier des apports des technologies et de prendre en compte les défis environnementaux de notre siècle pour lesquels l’industrie est une partie de la réponse.

Nous sommes à  l’aube d’une transformation anthropologique du travail, poussée par la généralisation des technologies dites du numérique, qui va rebattre le rapport de l’homme à la machine.

Cette dimension décisive pour l’avenir de l’industrie est rarement prise en compte. Revaloriser l’industrie nécessite de réinsuffler le souffle industriel auprès des citoyens, notamment les jeunes générations. Dans l’avis « Industrie : un  moteur de croissance et d’avenir » que j’ai rapporté au nom du CESE, nous avons préconisé la création d’une « agence nationale pour une nouvelle culture industrielle » qui animerait au niveau des territoires des ateliers permanents de réflexion et de rencontres entre chercheur.euse.s, industriel.le.s, économistes, entrepreneur.e.s, mais aussi artistes et grand public. Son rôle serait également d’engager la réflexion afin de promouvoir la production. culturelle et de l’imaginaire dans l’indusrtrie en combinant les usines à fiction avec les usines à production.