Océans, 364 autres jours pour agir

Les célébrations obligatoires me déplaisent. Elles ne sont souvent qu’un constat d’impuissance annuellement renouvelé ; journée des femmes, de l’alimentation, de la solidarité….Certes l’occasion de colloques et autres points d’étape, mais la réalité est toujours ailleurs, dans les 364 jours restants qui fondent la régularité de notre action et de ses conséquences. La Journée Mondiale des Océans n’échappe pas à la règle.

Si l’océan va mal (pollution, surpêche, réchauffement…) c’est que nous le maltraitons en permanence. Pourtant il nourrit les hommes et surtout les plus pauvres, il nous fournit la moitié de notre oxygène. Il absorbe 93% de l‘excès de chaleur généré par l’homme et plus de la moitié de nos gaz à effet de serre. Mais, ce faisant, il s’acidifie avec des conséquences incalculables sur les espèces vivantes. Il y flotte 150 millions de tonnes de déchets plastiques dont la décomposition en micro particules s’avère encore plus dangereuse pour les écosystèmes que les macro-déchets. Les espèces marines ont décliné de 39 % en 40 ans et près de 90 % des espèces commerciales sont surexploitées ou exploitées à la limite.

Alors, au lieu de nous lamenter annuellement, j’aimerai que ce 8 juin, s’il doit être utile, signe plus qu’une prise de conscience, des engagements à l’action.

Est-ce si compliqué ?

Les moyens individuels existent : manger moins de protéines issues de la mer (les français en mangent trois fois plus que la moyenne mondiale), préférez les produits labellisés Marine Steawardship Concil (MSC) de plus en plus courants, éviter l’achat et l’utilisation d’objets en plastique, ou emballés dans du plastique, dont une partie finit immanquablement dans l’océan, raisonner sa consommation énergétique pour limiter l’effet de serre, soutenir les ONG dans leur interpellation des décideurs et des entreprises… la liste est longue et je suis sûre qu’à examiner l’une de vos journée, je trouverai au minimum dix propositions.

Je sens que vous m’objecterez l’inanité de l’action individuelle :
Que suis-je dans cet univers mondialisé ? Mais si nous sommes dans cette situation désastreuse c’est bien parce que chacun d’entre nous a progressivement consommé plus et plus mal, donc chaque pas accompli vers de meilleures pratiques est multipliable par le nombre que nous sommes. Les tendances peuvent d’ailleurs être rapidement renversées.
Notre consommation envoie également un puissant signal aux entreprises qui produisent en notre nom et aux politiques que nous élisons. Exigeons autre chose… ils ou elles suivent !

Et puis, je déteste le pessimisme paralysant, le sentiment que tout est foutu. La vie océanique nous montre chaque jour qu’elle a de la ressource.

Regardez les thons revenus en Méditerranée grâce à la diminution des captures, voyez le foisonnement animal reconquis dans les Aires Marines Protégées, comment la restauration des mangroves redonne vie aux pêcheries locales ou comment la modification des techniques de pêches a ramené à quasiment zéro les captures accidentelles d’albatros dans le grand sud. La terre a l’immense privilège dans l’univers d’être une planète bleue, c’est ce qui a permis la vie. Il y a 4 milliards d’années que cela dure et je ne peux imaginer que nous, une espèce parmi des millions, puissions y mettre fin.

L’océan nous importe chaque jour parce qu’il règle les grands équilibres du climat et de la vie. Il n’a pas besoin de nous, mais nous en avons désespérément besoin.

Je ne cherche pas à convaincre par la peur, (encore que parfois elle puisse être bonne conseillère), mais songeons aux formidables opportunités qu’un océan respecté nous offre. Plonger dans des coraux vivants et multicolores, découvrir des molécules chimiques qui vont révolutionner la médecine, se fournir en énergie renouvelable et illimitée, n’y a-t-il pas mille opportunités de s’éblouir et de rêver, mais aussi de développer des techniques et des emplois, bref de préparer un avenir nettement plus passionnant que de se battre pour manger les derniers poissons.

La mer m’a fait rêver et cela continue, la mer m’a fait agir et cela continue, la mer m’a fait me battre et cela continue.

C’est tout ce que je voudrais partager avec vous ce 8 juin.

 

 

Redécouvrez l’avis du CESE sur la gestion durable des océans