De l’engagement 2.0

Mardi 10 octobre, mouvement social des fonctionnaires : grève et manifestations sont relayées, discutées, approuvées ou décriées par une multitude de « post »sur les réseaux sociaux ; ces modes d’expression citoyennes font désormais partie du répertoire de l’engagement social ou politique. Le développement du web 2.0 a permis l’éclosion « d’une nouvelle agora à une échelle impossible à atteindre en dehors de ces outils numériques »[1].
En quelques années, écrire, publier, commenter, échanger, produire des contenus, textes, images, sons, vidéos, les partager sont devenus des activités à la portée de tout un chacun.

Je post, je share, donc je suis

Cet usage facilité a une double conséquence. D’une part, générer une transformation de la circulation de l’information : chaque internaute peut être à la fois émetteur et récepteur, la prise de parole semble désormais à la portée de chacun sans le filtre des professionnels de l’information et  leur règles déontologiques. D’autre part, conférer une dimension nouvelle à la mise en réseau par des possibilités inédites de mise en commun des connaissances, de collaboration et d’apprentissages partagés, de débat et de prise de décisions collectives.

Civic tech et gov tech, nouveau modèle de démocratie ?
Internet et les réseaux sociaux offrent ainsi des potentialités considérables pour enrichir les pratiques démocratiques et donner une place inédite aux citoyen.ne.s en privilégiant l’horizontalité. Une multitude d’initiatives via les civic tech et gov tech visent à rénover profondément le fonctionnement de nos démocraties représentatives en assurant une plus grande transparence et une participation accrue des citoyen.ne.s aux prises de décisions politiques. Mais elles interrogent aussi sur les limites voire les dangers de cette cyber citoyenneté. Peut-on céder à l’illusion d’une forme de déterminisme technologique en pensant que ces outils peuvent à eux seuls transformer profondément la démocratie et l’engagement des citoyens ?
L’avis dont nous avons été rapporteurs « Réseaux sociaux numériques : comment renforcer l’engagement citoyen ? » pointe bien les biais et les risques, qu’il s’agisse des inégalités face aux usages d’internet (fracture numérique), de l’utilisation des données des internautes récoltées et exploitées par les plate-formes numériques en échange de leur gratuité d’accès ou du développement des fake news et de troll, voire des risques de manipulations de l’opinion.

 

Nous considérons qu’il faut tenir une double démarche : d’une part se donner les moyens de lutter contre ces dangers et dérives, par la formation, la mise en place d’outils de contrôle et de vérification à la disposition des utilisateur.rice.s, notamment la mise en lumière des dérives par un rapport annuel ; d’autre part promouvoir, reconnaître, aider l’engagement et les pratiques démocratiques à travers ces outils. Notre avis défend la nécessité d’expérimenter en ce domaine et d’accoutumer les responsables à prendre en compte ces pratiques.

Le CESE, assemblée de la société civile organisée, a une responsabilité particulière en ce domaine afin d’encore mieux jouer son rôle : en donnant un écho responsable à cet agora, en favorisant la participation des citoyen.ne.s à ses travaux et en permettant à celles.ceux-ci de le saisir via des pétitions en ligne comme il a commencé de le faire.

 

[1]Henri Oberdoff «  Nouveaux outils, nouveaux acteurs : vers une cibercitoyenneté  ? » dans Le Monde qui vient, coord LDH, Ed. La Découverte 2016